mercredi 2 mai 2012

Beyrouth-sur-Loire

Par Pierric Guittaut

Le pitch


Prenez une métropole régionale de 100000 habitants du centre de la France en période de campagne municipale. Ravagée par le chômage. Avec une municipalité sortante de droite bien rigide et bien “ficelle” dirigée par un patron autocrate du BTP. À sa botte, un jeune flic toxico, facho et retors à souhaits. Un autre flic, ancien des phalanges libanaises, vieux garçon au coeur sec d’avoir trop saigné. Une opposition de gauche dirigée par une non moins autocrate présidente du conseil général. Les tours HLM des quartiers nord contrôlées par la racaille et des islamistes où l'émeute tient lieu de distraction ordinaire. Une jeune fille juive dont le frère a été tabassé à mort pour le fun mais dont la justice ne veut pas entendre parler par crainte des émeutes. Un quotidien régional de gauche adepte jusqu’à la caricature de la culture de l’excuse. Une jeune journaliste stagiaire dont les dents rayent le parquet et les fesses prêtes à être sacrifiées à l'autel de l'ascension professionnelle. Un fils de bobo, au look de punk à chiens orné de l'habituel keffieh rêve du Grand Soir de l'intifada sur Loire. Des associations socio-éducatives pour jeunes dont les dirigeants se servent de levier pour leurs ambitions personnelles ou pour assouvir leur libido douteuse.

Secouez bien le tout, saupoudrez de meurtres, n’oubliez pas la sauce corruption, une bonne dose de sadisme, de racisme et de veulerie et servir saignant. Vous obtenez un délicieux cocktail de fin de civilisation, noir et poisseux à souhait. Le futur bulletin d’autopsie du continent qu’aura été  l’Europe.

Beyrouth-sur-Loire est de très loin le meilleur roman noir de désespoir qui m’ait été donné à lire depuis que Manchette, Jonquet et le Dantec des “Racines du Mal” nous ont laissé tomber il y a trop longtemps de cela.

4ème de couv’

Dans Beyrouth-sur-Loire, l’intrigue policière y est secondaire et s’efface devant les rapports de force entre personnages, sur fond de réalité sociale aux allures de poudrière de la France de ce début de vingt-et-unième siècle. Beyrouth-sur-Loire peut être envisagé comme un polar politique, au sens grec du terme. La véritable intrigue, c'est cette politikè, et le cadavre, celui de cette ville qui meurt lentement. 
D’ailleurs, si le lieutenant Jeddoun est un dur-à-cuire à l’ancienne, emprunté à l'école hardboiled, il est trop ambigu pour être considéré comme un héros et ses échecs sont révélateurs : son temps est révolu. Il n’est qu’un pion, perdu au milieu du no man’s land urbain où les égos se sont placés en embuscade, comme autant de snipers du cynisme ambiant. C’est désormais l'heure du chacun pour soi, et même pas Dieu pour tous, car la transcendance y brille surtout par son absence. Difficile de trouver une figure qu’on pourrait ranger d’emblée du côté du Bien.

Pierric qui ?

Grâces soient rendues à l’excellent Daoud Boughezala, talentueux chroniqueur de Causeur.fr (oui, l'excellent pure player de la réac’ chef Babeth Levy) qui a donné au pavé de Pierric Guittaut une visibilité que lui refuse la presse mainstream. Daoud n’étant pas un garçon sujet aux enthousiasmes de midinettes, son papier dans Causeur.fr m’a empêché de passer comme quasiment tout le monde à côté d’une oeuvre majeure du roman noir français de ces dernières années.
Gageons que ce ce modeste article de blog participera à donner à Pierric Guittaut la notoriété et le succès que son premier roman devrait provoquer. Mais ne rêvons pas trop, "Beyrouth-sur-Loire" est bien trop politiquement incorrect pour espérer le voir invité par Michel Field ou un de ses clones.

Et puis...

La suite de “Beyrouth-sur-Loire” s’appelle “Marshal Carpentel” et va paraitre sous peu aux éditions “Nuits Blanches”. Comme moi, courez l’acheter dès sa parution. Et gageons que ce second volet de la trilogie aura un tirage, un volume de ventes et une visibilité dignes du talent de Pierric Guittaut.

Clickodrome...

Dans le désordre le plus total, pour faire plus ample connaissance de Pierric Guittaut et de son livre.

lundi 6 février 2012

La dernière pitrerie (avant la prochaine...)

Ce week-end, le caniche préféré du président candidat et youzuolseuspekt ™ des infatigables chasseurs de bêtes immondes a gratifié un auditoire peu suspect de sympathie socialistoïde d'un aboiement qui lui est caractéristique et dont il nous honore périodiquement les portugaises si sensibles. Cette fois ci, Cloclo nous affirme qu'il y a des civilisations (suivez mon oeil droit) qui seraient supérieures à d'autres civilisations (suivez mon oeil gauche). Point barre. Notre ami Claude a, selon un schéma de com' plutôt "borderline" - as usual - calculé au mieux pour ne pas avoir à coller une migraine à son avocat. A aucun moment une civilisation supérieure ou inférieure n’est nommément désignée. Mais tout le monde a sa petite et grande idée là-dessus.

Bon, c'est une opinion que Claude exprime et ne vous attendez pas à ce que je tranche dans les lignes qui suivent une question que je laisse à des anthropologues et ethnologues bien plus savants que moi, vous, les politiciens et la caste médiatique. Et ne vous attendez pas à ce que je revendique le droit de manger les enfants de mes voisins en ragoût selon une recette de cuisine avec laquelle ma grand-mère Papoue a régalé ma tendre enfance, tout ça au nom du droit de l’égalité de ma culture ancestrale avec la votre.

D'autant que l'expression de cette opinion n'a pas donné lieu à un quelconque ombre de soupçon d’un éventuel projet de loi ou hypothétique plate-forme électorale. Donc du vent dans la plus pure tradition de la com’ Sarkozisto Guéantesque. Dans à peu près n’importe quel pays normal, la chose serait passée entre l’horoscope et un chien écrasé. Point à la ligne et fermez le ban.

Mais en France, cette saillie de notre bon ministre a - comme attendu et prémédité - provoqué une belle joute franco-tricoloro-franchouillistanaise que le monde entier, les yeux écarquillés devant un tel tsunami dans un verre d'eau tiède, nous envie. Et ce lundi matin, il nous est assez difficile d'écouter des informations de notre presse mainstream sans entendre tout ce que la nomenklatura politico-médiatique y aille, selon l'humeur, dans une condamnation outrée, indignée et sans réserve, au soutien “oui mais” avec explication hors de propos du camp politique de Cloclo. Et d’entendre ceux qui réduisent la civilisation orientale à l’excision des petites filles contre ceux qui rendent la civilisation chrétienne responsable des camps de la mort, avec la subtilité des argumentaires jetés à la gueule de l’autre et échange de Godwins. Etayés la plupart du temps par des sophismes où les slogans tiennent lieu de pensée, mais qui sonnent tellement bien dans les forums “citoyens” hantés par les mutins de Panurge.

Chapeau l'artiste. Les loups sont sortis des bois en meute. Occupant en ce lundi l'essentiel de l'espace médiatique quitte à faire passer au second plan un ou deux massacres sans grande importance au Nigéria ou en Syrie, et quelques SDF - qui, soit dit en passant sont sensés avoir disparu en 2008 - qui n'ont pas survécu à la dernière nuit glaciale.

Toute la gôche a foncé comme un taureau sur un chiffon rouge, tête baissée, avec son si caractéristique réflexe d’indignation pavlovien dès que notre ami Claude nous fait don de ses précieuses confidences. Cette gauche qui n’arrête pas de se gargariser en toute occasion avec “la république” et l’indépassable devise “Liberté, Égalité, Fraternité” - enfantés par on ne sait quelle civilisation - n’en est pas à une contradiction près, mais passons.

La drouate, comme à son excellente habitude, botte en touche et hurle au terrorisme intellectuel des Torquemada du politiquement correct, et joue la partition de son petit manuel du rebellocrate. Jouant hypocritement sur le fait que l’excellent Claude n’a à aucun moment, nommé une quelconque civilisation dans son petit comparatif. Tout le monde sait que Claude n’a pas eu le temps de signaler que son étude comparative, selon de rigoureuses règles métrologiques connues de lui-seul, mettait face à face les Aztèques et les Perses.

Tout ce raffut allant de l'étalage de bons sentiments dégoulinants à la haine pathologique, en passant par l’argutie victimaire habituelle, et même très rarement de points de vue pondérés et argumentés sur la question dont la réponse m’indiffère au plus haut point.

Comme chacun sait, notre pays qui compte quatre millions de chômeurs, dont la classe moyenne est en cours de prolétarisation, comme moi, bande de minables, dont l’insécurité - dans tous les sens du terme - explose, dont le nombre de SDF augmente régulièrement, dont les retraités chanceux devront s'en remettre aux poubelles généreuses de leurs voisins. Ce pays donc n'a qu'une obsession prégnante : “Y a-t-il des civilisations supérieures à d’autres ?”

L’intervention de Claude a été pour tous ces messieurs dames une occasion en or de faire passer en arrière plan - pour quelques jours - toutes ces conneries mesquines et terre-à-terre et pour lesquels les candidats à la présidentielle ont des réponses si bien emballées pour mieux en travestir le contenu d’une vacuité abyssale.

Qu’importent ce joutes. Ces messieurs-dames sauront se réconcilier autour d'un bon homard thermidor arrosé d'un Chablis grand cru dans les jours qui viennent, si tant est que leurs controverses ait eu un fond de sincérité, ce dont mon cynisme naturel me permet de douter. Et se concerter pour donner d'autres idées à Claude, notre scout toujours prêt à se rendre disponible pour insuffler aux joutes politiques la hauteur de vue une pertinence d’une rare acuité (ou l’acuité de la pertinence, comme vous voulez).

La droite battra en retraite bien ordonnée, comme programmé par ses communicants, dans quelques jours. Se donnant à moindres frais le beau rôle de victime de l’escarmouche pour délit de sale gueule. Mais les dits communicants planchent déjà sur la prochaine provoc’ de Guéant, Mariani, Lefèvre ou Estrosi. Les meilleures clients pour aller au charbon.

The show must go on...